Surfer sur la vague.
J’adore ma paire de Vans.
En soi, elle n’a rien de spéciale : c’est une paire tout à fait classique de modèle #38 (des Sk8-Hi donc), avec sa silhouette montante, cuire et toile noire, surpiqûres et épaisse semelle blanche.
Légères, confortables : elles peuvent être assortie avec n’importe quoi.
Et puis il y cette « vague », cette simple bande de cuir blanc qui court le long des quartiers de la chaussure et qui la rend instantanément reconnaissable.
Je ne me considère pas comme un sneakerhead, mais je pense que c’est cette bande qui a permis aux Vans de rejoindre le grand panthéon de la chaussure iconique, aux cotés de l’étoile des Converses Chuck Taylor, des trois bandes d’Adidas, des Tiger Stripes d’ASICS ou encore bien évidement du légendaire Swoosh de Nike.
Mais ce qui me fascine le plus, c’est que contrairement à toutes les paires de chaussures que je viens de citer, la Sidestripe de Vans n’est pas une simple reproduction du logo de la marque. Vans a en effet réussi à créer un symbole abstrait, unique, qui a fait entrer la marque dans la culture visuelle grand public, sans pour autant placarder leur nom ou leur logo le long de leur paire de chaussures.
Une approche singulière qui résume à elle seule l’état d’esprit de Vans depuis ses débuts.
Fondé en mars 1966 sur la 704 East Broadway à Anaheim en Californie, la première manufacture et boutique de la Van Doren Rubber Company fut créée sur un modèle tout à fait unique : la paire de chaussures commandée en boutique est directement fabriquée sur place et plus tard récupérée le jour même par le client.
Un total de 12 paires de modèle #44 (l’Authentic) ont été vendues et fabriquées lors de la journée d’ouverture.
Mais c’est au début des années 1970 que les Vans vont trouver, à travers la scène skateboard sud-californienne naissante, leur principale clientèle.
Le fondateur Paul Van Doren ayant toujours refusé de dépenser de l’argent pour de la publicité, décida alors de sponsoriser les meilleurs skateurs qu’il pouvait trouver, comme Tony Alva et Stacy Peralta en leur offrant des paires de chaussures gratuites. Ces deux sportifs seront d’ailleurs à l’origine du nouveau modèle de Vans qui deviendra la chaussure de choix pour toute une génération de skateurs : le modèle #95 (l’Era), avec un col rembourré et de multiples combinaisons de couleurs sur une même chaussure.
C’est également à cette époque que la première version du logo Vans classique va naître, provenant d’un pochoir dessiné à 13 ans par le jeune Mark Van Doren (fils de James Van Doren, le frère de Paul et co-fondateur de l’entreprise) pour le peindre sur ses propres skateboards.
La récente collaboration du modèle #95 en 1976 cimenta alors la relation entre le sport et la marque via la naissance du logo Vans « Off the Wall », expression venant du jargon californien technique du sport lorsqu’une figure était réalisée en l’air après avoir décollé d’un mur d’une piscine vidée. La fin des années 1970 voit également naître les trois derniers modèles phare de chez Vans : le #98 (les Slip-ons) et le #36 (l’Old Skool) en 1977, et enfin le modèle #38 (la Sk8-Hi) en 1978.
C’est à cet instant qu’apparaît pour la première fois la fameuse bande de cuir, le long des modèles #36 et #38.
Premières chaussures de la marque possédant des quartiers en cuir pour améliorer leur durabilité, leur nouvelle silhouette à la recherche de confort et de fonctionnalité furent propices à l’implémentation de ce qui deviendra l’indubitable symbole des Vans dans le futur : la Sidestripe.
Originalement appelée « Jazz Stripe » au sein de l’entreprise, ce symbole provient d’un gribouillage de Paul Van Doren sur une serviette en papier, alors en recherche d’une réponse aux swoosh et autres rayures immédiatement reconnaissables des chaussures de sport développées depuis les années 1950.
Ce motif de « vague » a largement été inspiré par un autre design iconique, mais cette fois dans l’industrie automobile. En effet, Paul Van Doren avait un faible pour les voitures de course américaines, notamment la Shelby Cobra de 1967 qui arborait deux pots d’échappement tout le long des portières de la voiture. Un symbole américain en inspira donc un autre dans deux industries où le design visuel possède une réelle importance dans le processus créatif.
La Sidestripe subi divers ajustements depuis sa création, l’originale fabriquée aux États-Unis était plus fine et présentait un pli plus important au creux de la « vague ». Les originales de l’époque possédaient donc un plus de personnalité, et la nature faite à la main des premières paires fabriquées explique un placement qui fut parfois hasardeux.
Étant désormais devenu une institution californienne, c’est un film qui donna aux Vans leur renommée nationale et internationale en 1982 grâce à Sean Penn et son personnage de Jeff Spicoli dans Fast Times at Ridgemont High, arborant des Slip-on au motif damier qui firent instantanément sensation.
Les cinq modèles de la marque se prêtant extrêmement bien à la mode de customisation qui commença dans les années 1980 grâce à de nombreux motifs et coloris possibles, Vans continua ses collaborations avec d’autres scènes culturelles alternatives dans les années 1990. Sponsorisant alors le festival itinérant « Warped Tour » en 1995, Vans deviendra également synonyme avec le mouvement musical punk aux États-Unis. Les années 2000 et 2010 quand à elles confirmeront l’importance culturelle internationale de Vans grâce à de très nombreuses collaborations avec des artistes et leur image comme Iron Maiden, Metalica, les Beatles, Led Zeppelin et David Bowie entre autres, les fashion designer Marc Jacobs, Kenzo et Karl Lagerfeld, mais aussi avec d’immenses marques populaires comme Disney, les Simpsons ou encore Star Wars.
Toujours à l’écoute de ses fans et de toutes les niches culturelles et urbaines qui les ont adoptées pour exprimer leurs styles personnels, les Vans et leur Sidestripe continue de promouvoir la vision singulière d’une marque qui s’est voulue dès ses débuts originale, rebelle et créative.
Au final, c’est pour ça que j’aime ma paire de Vans.
Plus qu’une paire de chaussures, c’est une sorte de symbole et déclaration au monde, un partage de l’état d’esprit « Off the Wall », dans les mots de Steve Van Doren, fils de Paul et actuel vice-président de l’entreprise : « ce moment où tout le monde va à gauche et vous décidez d’aller à droite ».
Pour le meilleur, et de temps en temps pour le pire.